À quoi bon s’échauffer ? par Thierry MAQUET - Illustration

À quoi bon s’échauffer ? par Thierry MAQUET

13 Oct. 2021

L’échauffement peut être assimilé à un ensemble de mesures conduisant à un passage progressif d’un état de repos à un état d’activité plus ou moins intense. 

L’échauffement peut être assimilé à un ensemble de mesures conduisant à un passage progressif d’un état de repos à un état d’activité plus ou moins intense. C’est ainsi que l’individu pourra mobiliser ses ressources physiques et mentales de façon optimale et en toute sécurité. Ce préambule est donc nécessaire quels que soient les publics considérés. Cependant, au regard des spécificités de chacun, cette mise en route prendra des formes différentes.

Une question de température

Comme la sémantique l’indique, l’échauffement se traduit par une élévation de température. Il convient de distinguer la température centrale (là où sont logés les organes vitaux) et la température musculaire. Cette distinction est importante car même si le fait de trottiner agit non seulement sur la température centrale et la température de certains muscles comme les mollets, les ischiojambiers étant peu actifs, on constate une baisse de leur température sous l’effet d’une migration des masses sanguines en direction des muscles plus sollicités. Un échauffement musculaire spécifique est donc nécessaire.

L’élévation de la température centrale sera obtenue par la mobilisation des grosses masses musculaires qui sont localisées au niveau du train inférieur. La durée de 8 à 20 minutes pourra être ajustée en fonction de la température extérieure. L’objectif est d’amener la température interne à 38,5, valeur optimisant toutes les réactions physiologiques impliquées dans l’effort.

S’agissant de la température musculaire, son élévation améliorera les propriétés tissulaires et mécaniques locales. Elle permettra aussi d’accélérer la vitesse de propagation de l’influx nerveux. Ce qui améliorera les réflexes.

Comment expliquer cela ?
On constate en effet que lorsque le muscle est froid, sa raideur le rend peut propice à l’effort. Mais lorsque la température de celui-ci augmente, certaines de ses propriétés tissulaires se modifient. Ceci est dû au comportement viscoélastique du tissu musculaire qui correspond à la capacité du muscle à retrouver sa forme et ses dimensions après une déformation. A froid, le muscle met du temps à revenir à sa taille initiale après un étirement, ce qui fait que le coût énergétique des mouvements est plus élevé et que ces derniers sont ralentis. Grâce à l’échauffement, le muscle se débarrasse de son comportement viscoélastique. La gestuelle devient plus fluide, le muscle s’allonge et se contracte plus facilement et rapidement. Ainsi, le coût énergétique du mouvement diminue. Ceci s’explique par une propriété physique de la cellule musculaire que l’on appelle la thixotropie. En effet, le liquide intracellulaire se présente sous forme de gel lorsque le muscle est froid. Sous l’effet des contraintes, des mouvements et de l’augmentation de la température périphérique, le gel va devenir de plus en plus liquide, diminuant les résistances aux déformations. Ainsi l’échauffement va permettre aux muscles de mieux exploiter leur capacité d’extensibilité. Des étirements de courte durée (inférieure à 10 secondes) suivis de mobilisations dynamiques pourront compléter cette préparation musculaire.

Appareil cardiovasculaire et articulations

Au niveau du système cardiovasculaire, des adaptations vont se mettre en place progressivement. Une vasodilatation qui correspond à une augmentation du diamètre des artères et des ouvertures des réseaux sanguins périphériques s’installent, évitant ainsi les phénomènes d’ischémies. Ce phénomène est également valable pour les artères du cœur (artères coronaires) écartant le risque d’angine de poitrine chez les sujets fragiles. En parallèle, l’échauffement va activer le fonctionnement de certaines filières énergétiques, gommant dans une certaine mesure, l’inertie de fonctionnement optimal des filières anaérobie lactique et aérobie.

La préparation des articulations avant l’exercice laisse souvent apparaître des pratiques contre-productives. Les rotations de chevilles et de genoux seront par exemple peu utiles pour assurer une bonne contention des articulations et renforcer la résistance des cartilages articulaires. On veillera plutôt à réaliser des mises en pressions successives (sautillements, déplacements) afin de durcir et augmenter la congruence des cartilages articulaires. Cela permettra de mieux répartir et supporter les contraintes de l’exercice. En complément, des exercices de proprioception favoriseront une meilleure contention et réactivité de l’articulation.

En définitive, et quels que soient les publics, cette préparation des articulations revêt une dimension prophylactique à court, moyen et long terme.

Aspects pratiques

Sur le plan pratique, l’échauffement devra respecter quelques principes. Tout d’abord, le plus évident est celui de la progressivité, nous aurons l’occasion d’y revenir pour certains publics. La continuité est associée également au principe de progressivité de telle sorte que des temps d’inactivité prolongée ne viennent pas contrarier la montée en température. La spécificité relève aussi du bon sens dans la mesure où les mobilisations vont se rapprocher de plus en plus de la réalité de l’activité pour laquelle on se prépare, que ce soit sur le plan de l’intensité des sollicitations ou sur le plan moteur. Enfin et dans la mesure du possible, l’échauffement devrait pouvoir s’individualiser.

Concrètement, l’échauffement sera composé des étapes suivantes :

·         mise en route pour élever la température centrale

·         petit réveil proprioceptif des articulations

·         mobilisation progressive et de plus en plus spécifique des muscles

·         réactivation de la mémoire motrice et des automatismes s’ils existent, par une entrée réelle dans l’activité.

Mais partant de ces généralités, cette mise en condition préalable à l’effort revêtira des formes différentes selon les spécificités des différents publics.

L’échauffement des enfants

Les enfants présentent de nombreuses particularités qui les distinguent des adultes. Leur fonctionnement physiologique tout d’abord est différent.

Le système cardiorespiratoire est opérationnel plus rapidement et la filière aérobie est principalement utilisée, même pour des efforts relativement intenses.

Sur le plan musculotendineux, le maillage de collagène des tissus conjonctifs qui est impliqué dans la raideur musculaire n’est pas mature. De ce fait, l’extensibilité des muscles et des tendons est peu contrariée et le risque de blessure très faible.

On pourrait en conclure que l’échauffement n’est pas utile pour les enfants. C’est oublier que cette entrée dans l’activité constitue un rituel méthodologique qu’il est indispensable d’acquérir dès le plus jeune âge. Par ailleurs, ce rituel a également vocation à fixer l’attention et la concentration, éléments nécessaires lorsque l’on entre dans une activité encadrée au sein d’un collectif.
Ceci dit, l’échauffement devra converser un caractère ludique, plaisant, stimulant de façon précoce le répertoire moteur des enfants. La réalisation de circuits de plus en plus complexes se révèlent particulièrement pertinents.

L’échauffement des adolescents et des compétiteurs

Pour eux, au-delà des généralités qui ont déjà été présentées, se pose la question de l’optimisation de l’échauffement au service de la performance. La capacité à se transcender est confrontée au stress, aux contraintes des organisations (temps passifs en chambre d’appel par exemple) et parfois à des déplacements plus ou moins longs.

Pour les efforts explosifs, lorsque la compétition se déroule l’après-midi, il a été démontré pour le haut niveau qu’un réveil musculaire le matin aura des effets bénéfiques sur la performance modifiant le statut hormonal pendant 6 heures.

Pour gérer au mieux les temps d’attente et conserver la chaleur corporelle, il sera important de se couvrir en appliquant la règle des 3 couches. (Par exemple pour les jambes, collant, survêtement et coupe-vent).

Enfin on veillera à ce que le sportif se place dans de bonnes dispositions psychologiques en se concentrant sur ce qu’il doit faire et non sur le résultat à atteindre.

La visualisation de réussites antérieures sera également intéressante.

Et les seniors ?

Pour les publics qui avancent en âge, l’échauffement devra prendre en compte un certain nombre de particularités. Les seniors constituent une entité très hétérogène. On est en effet seniors à partir de 50 ans pour le ministère des sports alors que l’on recommande à des personnes de 80 ans et plus, la pratique d’une activité physique régulière. De plus, le vieillissement est un processus hétérochronique qui dépend de facteurs génétiques d’une part et environnementaux d’autre part. Nous ne sommes donc pas égaux face au vieillissement.

Quoi qu’il en soit, si l’on devait retenir la caractéristique essentielle de l’échauffement pour ce public, c’est la notion de plus grande progressivité. Avec l’âge, la vasomotricité artérielle diminue, les parois des artères se rigidifient, des plaques d’athéromes sont parfois présentes sur les parois artérielles, les risques d’hypertension sont donc importants. Dans ces conditions, on comprend que la mise en route devra être très progressive.

Une attention particulière sera également portée au système musculotendineux. Les muscles s’affaiblissent et deviennent plus raides, les réflexes s’amenuisent. Le pouvoir de régénération tissulaire est également altéré.

Enfin, l’arthrose est sans doute présente au niveau de quelques articulations. Il est donc indispensable ici de bien prendre le temps de s’échauffer, de faire comprendre aux anciens compétiteurs que leur échauffement doit durer plus longtemps qu’au temps de leur splendeur. C’est certainement une des conditions pour pouvoir continuer à pratiquer jusqu’à la fin de sa vie.

Conclusion

Cet éclairage sur les mécanismes et les enjeux de l’échauffement ne doit néanmoins pas faire perdre de vue qu’indépendamment des publics, les mises en route doivent toujours conserver un caractère ludique, entraînant, en relation avec les besoins et les motivations propres à chacun. On imagine par exemple, difficilement un jeune footballeur s’échauffer sans avoir un ballon dans les pieds pendant la presque totalité de ce temps d’introduction à l’entraînement ou à la compétition.

 

Thierry MAQUET